Le château de Dun

Lorsque l’on veut évoquer l’histoire, millénaire, du château de Dun, il faut avoir en mémoire le prestige de son appartenance au Comté de Carcassonne puis à celle des comtes de Foix. Conseillers privilégiés de ses derniers, protecteur des hérétiques cathares, les seigneurs de Dun, se firent déposséder de leurs biens, après la chute de Montségur, au profit de l’envahisseur « français», Guy de Lévis, installé par Simon de Montfort après la Croisade.

Certes, en levant les yeux vers sa silhouette squelettique perchée sur son éperon rocheux, il est difficile d’imaginer aujourd’hui que ses vestiges sont les dernières traces de ce passé prestigieux...


Un château en ruine

 

Propriété privée, il n’y a aucun vrai chemin qui monte au château. Donc, si vous bravez l’interdit, prenez soin des clôtures, des animaux présents et de vos chevilles (terrain accidenté) !

 

Les ruines laissent encore apparaître un plan quadrangulaire. La muraille, assez fruste, bâtie en moellons de calcaire et de poudingue, extraits sur place, a une épaisseur n’excédant pas le mètre. Dans la partie méridionale, on peut voir ce que l’on peut supposer être les restes d’une poterne (petite porte dérobée de 2 mètres de large) ouvrant sur le sud, face à Dun. On distingue aussi, sur la partie nord-est du château, des pans de murs formant un demi-cercle. Il s’agirait peut-être d’un emplacement de donjon. On peut enfin observer un début de voûte et une belle meurtrière, très évasée et plongeante, haute de 1 mètre.

 

Du comté de Carcassonne au comté de Foix

 

Les terres devant former plus tard la seigneurie de Mirepoix avaient été laissées en 1002 et 1034 au comte de Carcassonne : il s’agissait du Tindranès (autour d’Arvigna), du Dunès, du pays d’Olmes et du pays de Queille. Rapidement, le comte de Foix, d’ailleurs héritier de Pierre de Gérone dont c’était là la part, y exerça de fortes pressions et, en quelques décennies, parvint à s’en rendre maître.

Ainsi, le Dunès passa rapidement dans la mouvance fuxéenne…

1034 : La forteresse de Dun était déjà édifiée au XIe siècle et apparait dans un premier acte :

Roger Ier, comte de Foix, après la mort du comte Bernard son père, fit un accord avec Pierre de Gironne, son oncle paternel, pour se succéder. Ils partagèrent alors les domaines en deux lots : la ville et le comté de Carcassonne, avec les alleus du comté, le château et le pays de Queille, la moitié du bois de Boulbonne dont il parait que Pierre était déjà en possession. Ce prélat excepta de ce lot et se réserva l’évêché de Carcassonne, l’abbaye de Camon (située dans le pays de Queille) et le château de Dun dans le Toulousain.

[Serment et hommage de Roger 1er, comte de Foix, à Pierre, évêque de Gironne pour le château de Dun]

En 1040, dans les premières années de son règne, Roger 1er, deuxième comte de Foix, traite avec son oncle Pierre ; d’abord abbé de l’abbaye de Lagrasse, il est alors évêque de Gironne. Au nombre des domaines que se réserve Pierre, il est mention notamment du château de Dun qui est cité dans cet accord comme l’une des premières places fortes du comté de Foix.

1095 : Roger II, comte de Foix, décide d’aller en Terre Sainte lors de la première croisade menée notamment par Raymond IV de Toulouse. Pour disposer des sommes d’argent indispensables à son expédition, il se tourne vers ses cousins de Carcassonne. Il donne donc, s’il n’a pas de postérité, les lieux et châteaux de Foix, Frédelas, Lordat, Castelpenent, Dun et Mirepoix, ainsi que les autres châteaux, villages et domaines qu’il avait dans ce comté à la vicomtesse de Carcassonne Ermengarde (sa cousine) et son fils, Bernard-Aton.

Ce 22 avril, le comte engage donc le château de Dun comme répondant de la somme empruntée pour son expédition en Terre Sainte avec clause de rachat au retour.

Dès 1112, Raimond et Pons de Dun, aux côtés d’autres vassaux du comte de Foix, garantirent sur leur château l’accord passé par le comte avec Bernard Aton Trencavel.

1125 : Roger III signe un traité de paix avec Bernard-Aton : il ne vendra, ni ne donnera ou engagera les lieux de Foix, Frédelas, Lordat et les châteaux de Dun et de Mirepoix.

1145 : Les seigneurs Raimond de Dun et celui de Péreille, Raimond, rendent hommage par serment à Roger de Béziers, chacun de son côté, mais le même jour. Car Dun et son château faisaient l’objet d’une coseigneurie : outre la famille portant le nom de Dun, il y avait là Pierre Guilhem d’Arvigna, Raimond del Pujol, Arnaud de Villeneuve.

En 1160, le 27 novembre, Pierre de Dun et sa famille rendent hommage à Roger-Bernard Ier, comte de Foix, des châteaux de Laroque-d’Olmes et de Roquefort (les Cascades). En effet, La famille de Dun est alors une famille importante du territoire puisqu’elle possède donc une partie du castrum de Laroque d’Olmes, le château de Roquefort-les-Cascades, ainsi que plusieurs biens en Barguillère (Pays de Foix) et en Razès (Aude).


Dun dans l’entourage privé du comte de Foix

Les familles seigneuriales, surtout les plus importantes, étaient toutes étroitement liées aux comtes de Foix. Mais les seigneurs les plus importants étaient surtout ceux composant la cour comtale, l’entourage du comte, et qui l’assistaient dans tous les actes importants touchant le comté et dans ses fonctions judiciaires. On peut donc considérer que les chevaliers les plus souvent cités dans les actes comtaux constituaient l’élite de la noblesse de Foix.

Or, Dun figurent parmi les 4 familles (parmi les 15 identifiées) considérées comme les « puissantes du comté de Foix.

En 1162 par exemple, Roger II choisit ses chevaliers les plus proches et les plus notables pour garantir sur leurs biens l’accord qu’il passa avec Bernard Aton Trencavel (vicomte de Béziers et de Carcassonne) … et parmi eux, l’on retrouve Raimond et Pons de Dun.

Il est à peu près certains qu’au moment du déclenchement de la croisade, les seigneurs du pays de Foix firent bloc autour de leur comte et le suivirent dans tous ces combats.

Ils n’étaient pas forcément cathares mais furent dépossédés par les conquérants et poursuivis par l’Inquisition pour certains … mais ils protégèrent les hérétiques de leurs terres et particulièrement leurs chevaliers. Ils furent le refuge des chevaliers faydits qu’ils gardèrent dans leur entourage proche, comme à Dun.


Dun protecteur et fief de l’hérésie cathare

1206 : Une communauté de « parfaites » résidait à Dun, créée sur la place du village par Philippa de Foix, épouse du Comte Raymond Roger, où son mari venait la voir et partager ses repas.

Cette comtesse est issue d’une grande famille de Catalogne. Son père sera sénéchal d’Alphonse II roi d’Aragon, son frère, vice-roi, épousera une fille naturelle de Pierre II. Toutefois sa filiation est incertaine et elle serait fille du roi d’Aragon.

Philippa donnera 3 enfants à Raymond Roger : Roger Bernard qui lui succèdera comme comte de Foix épousera Ermessinde de Castelbon, fille d’Arnaud de Castelbon. Tous deux seront cathares. Le deuxième enfant sera Raymond Roger qui sera religieux à l’abbaye de Boulbonne, le troisième sera Cécile, mariée à Bernard II de Comminges.

Philippa est aussi la belle-sœur de la célèbre Esclarmonde de Foix qui fut femme de Jourdain de l’Isle et qui, devenue parfaite à la fin de sa vie, tint, elle aussi, une maison de parfaites.

Ces maisons de parfaites offrent aux femmes la possibilité d’entrer en religion et de faire leur salut. Placées sous l’autorité d’une supérieure qui est chargée de leur instruction, elles mènent une vie communautaire jusqu’à l’ordination, effectuée par le diacre. Elles travaillent de leurs mains en récitant les prières rituelles. Quelques-unes sont également vouées à l’accueil des malades et des nécessiteux. Toutefois, certaines de ces jeunes filles quittent ensuite la maison et les ordres pour se marier, sachant que cette religion leur permettait d’y revenir plus tard. Contrairement aux monastères chrétiens de cette époque, clos et isolés, ces maisons fonctionnent comme des lieux ouverts dans les villes et villages. Elles y jouent un rôle économique, social et culturel.

Avant 1209, Raymond Mercier et Guilhabert de Castres, deux des plus hauts dignitaires de l’Eglise cathare sont à Dun, où ils tiennent publiquement plusieurs fois maison et  la noblesse locale se presse pour assister à leurs prédictions. Ce témoignage est recueilli dans la déposition devant l’Inquisition en 1244, d’Arnaut-Roger de Mirepoix, coseigneur de Mirepoix.Les seigneurs de Dun étaient en effet acquis à la cause du catharisme et bienveillants envers leurs adeptes. Le catharisme y trouve refuge et protection et semble avoir accueillit tout naturellement la chevauchée des Faydits de mai 1242. D’ailleurs, leurs chevaliers constituaient la « milite de Duno» dévoués au catharisme et en particulier trois chevaliers qui auront un rôle important dans l’histoire locale, jusqu’à la chute de Montségur.

Il n’est donc pas étonnant de retrouver plusieurs fois les seigneurs de Dun figurant dans les registres d’Inquisition. L’on sait aussi par exemple que le diacre cathare Guillaume Clergue séjourna au château et qui deviendra par la suite diacre cathare à Castelbon, chez le beau-père de Roger Bernard.

Arnaud de Blancafort et son oncle Guilhem de Dun donnèrent en 1208 à Roger Bernard de Foix tous leurs biens de Barguillère, de Serres et Cos à Foix.

La famille de Dun possédait alors la coseigneurie du château de Dun, les châteaux de Laroque-d’Olmes et de Roquefort, des biens à Saint-Julien (de Grascapou ?), en Barguillère, en Razès.

En 1228, la veuve de Pons de Dun donna à Roger Bernard de Foix tout ce qu’elle avait à Dun, à Saint-Julien, en Razès, à Prayols et en Barguillère.

En 1262, Pons et Raimond de Dun et leurs familles donnèrent au comte de Foix ce qu’ils possédaient dans le diocèse de Toulouse, en châteaux, villes, bois et forêts, sauf les châteaux de Laroque et Roquefort. Les biens de la région de Dun ayant été confisqués, leur donation était toute théorique ; ne l’était pas par contre la donation des biens de la région de Foix

La famille de Dun fut donc  une famille de faydits (seigneurs dépossédés de leurs biens du fait de leur soutien aux hérétiques), très certainement ruinée, et contrainte par nécessité à vendre ce qui lui restait.

Dépossédé par les Croisés de Simon de Montfort, le château devait passer avec la seigneurie de Mirepoix entre les mains des de Lévis et restera dans cette famille jusqu’à la Révolution.


Après la Croisade : dépossession et ruine des seigneurs de Dun

Après la défaite des seigneurs occitans au XIIIe siècle, le Dunois, compris dans la seigneurie de Mirepoix, également appelée "Terre du Maréchal", passa donc dans les mains de la famille de Lévis, bras droit de Simon de Montfort.

Les seigneurs de Lévis modifient largement le château, certainement dans la seconde moitié du XIIIe siècle. Ils le ceinturent d’une muraille de plan rectangulaire, bâtie en moellons de calcaire et de poudingue et percée d’une porte au sud. Les archères, encore visibles aujourd‘hui, côté nord, sont typiques de cette époque avec leur ébrasement interne.

Gui de Lévis III, successeur de Gui de Lévis Ier, mourut vers la fin de 1299, et sa femme Isabelle de Marly le suivit de près dans la tombe. Ils avaient eu douze enfants : neuf garçons et trois filles, et le partage de leurs vastes domaines entre tous ces héritiers posa un problème épineux.

Les six garçons aptes à recueillir la succession (deux se firent religieux et le troisième était déjà mort), procédèrent au partage selon la « Coutume de Paris » qui avait été implantée dans le Midi par les compagnons de Simon de Montfort, et qui continuait à régir leurs descendants.

Par acte du 2 novembre 1300, l’héritage fut divisé en deux parts : la première, dite de Mirepoix, comprenait notamment la ville et le château de Mirepoix ; la seconde était dite de Dun à cause de ce village qui était la principale agglomération et possédait alors un château assez important.

Un projet de partage fut préparé et présenté au frère ainé, Jean, par ses cadets ; les deux parts furent subdivisées chacune en cinq lots, chaque frère cadet devant prendre un lot dans la part abandonnée par l’aîné.

Le 12 décembre de la même année, Jean choisit la part de Dun, et fort probablement il fit alors du château de Dun sa résidence habituelle.

Ce Jean Ier de Lévis mourut en 1319, laissant deux enfants, Jean et Gaston. Le cadet était encore mineur ; en attendant le règlement de la succession, ce fut leur mère, Constance de Foix, qui administra leurs domaines. Elle avait établi son domicile à Léran où elle devait décéder le 8 septembre 1332.

En novembre 1329, Gaston avait soumis à son frère aîné un projet de division comprenant quatre lots de valeur à peu près égale, lui laissant la faculté d’en choisir trois et promettant de se contenter de celui qui resterait. Jean choisit les trois premiers lots : de Mirepoix, de Pierrefite et de Laroque-d’Olmes, tandis que celui de Léran échut à Gaston. Ce dernier ajouta ce nom de Léran à celui de Lévis et devint ainsi le chef de la branche de Lévis-Léran. Ayant survécu à toutes les autres, cette branche s’est substituée à l’aînée dont elle a pris le titre. Dans le lot de Léran figurait le château et la terre de Dun, ainsi que divers châteaux et localités : Limbrassac, Régat, La Bastide-de-Congost (sur l’Hers), Aiguilhames, Vilhac, Bélesta, Fougax …

 

Dun et la prestigieuse Abbaye de Boulbonne

Cependant, à partir de 1392, en raison de dettes impayées, peut-être dues aux ravages de la peste noire et de la pression féodale, Roger-Bernard Ier de Lévis cède le village et une partie de ses biens  à l’abbaye de Boulbonne (voir page Boulbonne). Mais pas le château !

Sans doute qu’à partir de cette époque le château de Dun ne fut plus habité par les seigneurs qui en étaient propriétaires, et qu’il ne fut plus utilisé que comme place forte avec une garnison pour la défense. Un document de 1475 le laisse supposer.

Jean IV de Lévis, nouveau seigneur de Mirepoix à la mort de son frère Philippe II survenue en 1442, avait trouvé la seigneurie dans un mauvais état financier. Pour se justifier auprès du roi de ses ressources moins que modestes, il fit un dénombrement de ses revenus et de ses charges. Parmi ces dernières il mentionne les charges militaires résultant de l’entretien des places fortes parmi lesquelles se trouve Dun.

Dans le Cartulaire de Mirepoix nous relevons qu’en 1510, le château de Dun, qualifié de défensable, était estimé au moins dix mille livres tournois.

Le château restera dans la famille des Lévis jusqu’à la Révolution …

 

Conclusion

Depuis ces temps immémoriaux, les intempéries continuent inlassablement leur œuvre de destruction auprès de ces vestiges qui perdent un peu plus chaque jour leur fière allure d’antan …

Pourtant, ses ruines persistent à inscrire, sur notre sol, l’histoire de notre « petit pays » et de son prestigieux passé…

 

 

Références

* Le site : www.histariege.com

* Le Comte de Foix – Un pays et des hommes - de Claudine Pailhès (450 pages – une bible !) – Ed. La Louve (2006)

* L’Ariège et ses Châteaux Féodaux – Ed. Lacour - Adelin Moulis (1968)

* Montségur, village Ariégeois – Anne Brennon – Ed. Conseil Général de l’Ariège (2007)

* Histoire et patrimoine en pays de Mirepoix – Communauté de communes de Mirepoix – Ed. de l’Hers (1999)



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