Résistances et Guérilleros

  

Les combats de la vallée du Douctouyre à la Libération

 

Il s’agit ici de faire découvrir ou redécouvrir ces hommes et ces femmes, souvent anonymes, qui, dans la nuit et le silence, ont lutté pour que la liberté triomphe.

 Il s’agit aussi de retrouver ces lieux de mémoires, porteurs de l’histoire de ces résistants, se reconnaître en eux, et ne pas rester étranger – indifférent- aux combats qu’ils ont portés.

 Il s’agit ici, bien entendu, d’un « résumé » bien incomplet pour traduire les tragédies vécues. J’espère que ces quelques connaissances vous donneront surtout l’élan nécessaire pour « aller plus loin » et parcourir ces chemins de la mémoire …

 « Les hasards de l’histoire » (mais s’agit-il vraiment d’un hasard ?) … « Ont mêlé le destin tragique des républicains espagnols, vaincus et réfugiés chez nous, à notre destin aussi tragique de vaincus devenus des étrangers dans leur propre pays.  L’union des vaincus d’hier a permis les victoires du lendemain. Ainsi, la libération de l’Ariège est inséparable du combat des guérilleros espagnols, de l’aide des évadés du camp du Vernet, de la lutte des maquisards de nos forêts. » (cf. Claude Delpla)

 

L’installation

 

Un maquis des FTPF (Francs-tireurs Partisans Français) fut formé à partir de septembre 1943 au hameau de Croquié, près de Mercus - Garrabet où se constitua une des bases de la future 3101e compagnie des FTPF de l’Ariège. Elle rassembla des jeunes, souvent réfractaires au Service Obligatoire, originaires du Pays d’Olmes et de la moyenne vallée de l’Ariège.

 

Après Croquié, le maquis cantonna au Couderc, au Merviel.

 

Puis, Amilcar Calvetti ordonna le mouvement de ses hommes plus en aval, vers Vira. L’état-major s’installa à Engraviès, au moulin d’Embayourt, tenu par Aimé et Marguerite Gos.

Le 1er bataillon de Guérilleros espagnols commandé par Fernando Villajos (« Tostado ») installé autour de Calzan et du Merviel au printemps 1944, est donc rejoint par la 1e compagnie des FTPF de l’Ariège, en provenance de Croquié.

Ainsi, lorsque l’ordre de l’insurrection générale est ordonné, la veille du débarquement, par le Gouvernement provisoire de la république française d’Alger, la 3101e compagnie des FTP s’appuie, entres autres, sur les maquis de la région de Vira-Dun-Calzan-Le Merviel-Manses, et sur les Brigades des guérilleros espagnols.

La zone de Vira est l’une des deux seules zones en Ariège qui ont joué un rôle détonateur de l’explosion initiale de l’insurrection générale avec celle de Betchat.

 Successivement sont touchées les régions de Vira (9 juin), d’Engraviès (moulin d’Embayourt, le 11 juin), du Merviel (13 juin), et d’Arvigna (29 juin). La « République libre des maquis », comme l’a surnommé l’historien Claude Delpla, va survivre au prix des souffrances, des larmes et du sang. Au total, la vallée du Douctouyre pleure 15 victimes, dont deux femmes.




Les parachutages

 

Les maquisards récupérèrent des armes larguées par les Anglais lors de parachutages à « Pamplemousse » sur la commune de Rieucros.

 « Terrain de parachutage Pamplemousse / 1943-1944 / Au bénéfice de la Résistance et des Maquis »

Dans ces conteneurs, des munitions pour fusil, des fusils Remington, des explosifs (plastic), des mitraillettes Sten et une mitrailleuse, celle qui fut utilisée lors du combat de Vira. Il y eut plusieurs parachutages en 1943 et cinq en 1944. On a là l’exemple de parachutages alliés qui ont bénéficié aux FPTF et à l’AGE (Agrupación de Guerrilleros Españoles). Mais, initialement, au moins les premiers d’entre eux, ne leur étaient pas destinés. Les armes réceptionnées allèrent à Toulouse renforcer l’arsenal de résistants de l’Armée Secrète.

 

Chronologie des combats


Le 4 juin

Le maquis de Vira, renforcé par les guérilleros espagnols, 50 hommes au total, occupent les baraquements des Chantiers de Jeunesse de la Marine installés à Pamiers et emportent des paquetages pour servir d’habillement aux maquisards.

 

Le 5 juin

Les mêmes maquisards occupent l’usine de Pamiers et sabotent une partie de l’équipement (et notamment le four Martin) à l’aide de 50 charges d’explosifs. Les dégâts sont importants et l’usine est arrêtée pendant 3 jours.


Le 6 juin

Les résistants vont entre Varilhes et Verniolle pour saboter le chemin de fer et les pylônes d’alimentation. Les Allemands de la gare de Varilhes tirent sans succès. 24 charges sont placées, 18 explosent : 8 pylônes tombent sur la voie qui est coupée en 8 endroits.

Cette aussi vers cette date, peu après le débarquement, que Calvetti installe son état major au moulin d’Embayourt, avec l’appui des FTP « légaux », et lance un appel à l’insurrection.

 

Le 7 juin

Les communes de Vira, Engraviès, Dun, Le Merviel, Calzan, Arvigna, sont « occupés » et « libérés » par les maquisards. Ainsi, du 7 juin à la Libération, toute la vallée du Douctouyre avec ses 5 ou 6 communes a permis l’installation de cette « République libre des maquis » jamais occupée par l’ennemi.

L’historien Claude Delpla, tenait à ce titre de la « République des Forêts » qu’il accordait à la « République libre de la vallée du Douctouyre ».

La vallée du Douctouyre était en effet la zone typique d’implantation des maquis : relief modéré, forêts fréquentes, habitat dispersé qui permet de garder le contact avec les habitants, population de jeunes ruraux abondante, population de jeunes urbains peu éloignée …

A la nouvelle du Débarquement, des centaines de volontaires, souvent très jeunes, ont cherché à rejoindre les rares maquis connus : la vallée du Douctouyre avec Vira, le maquis de Betchat, les maquis du Donesan. A celui de vira, plus de 150 volontaires sont accueillis. Mais le manque d’armes interdit de les organiser en maquis opérationnels même si les maquisards réquisitionnent camions et camionnettes en vue d’opérations.

 

Le 8 juin

Au soir, les maquisards attaquent la caserne de l’École de Gendarmerie de Pamiers et récupère quelques armes, des chaussures et des vêtements. Mais aussi, le milicien, Barnola, de Saint-Amadou. Celui-ci est ramené le soir à Dun et ligoté. Il réussit cependant à s’enfuir et se cache à Teilhet chez un exploitant forestier, Rollet, affilié à la milice et ancien des Waffen-SS volontaires pour combattre sur le front de l’est contre les Soviétiques. La Gestapo de Foix est bien sûr prévenue des positions du maquis.

Suite à la fuite du milicien, un dispositif de protection est installé en avant de Vira, pendant que l’état-major prépare le déplacement du maquis sur des positions plus éloignées…

 

Le 9 juin : 1ère attaque allemande

Cette journée débute par l’attaque des gendarmeries de Rieucros, Mirepoix et Lavelanet pour récupérer des armes.

En début d’après-midi, les trois sentinelles placées en avant du village, près de l’embranchement de la route de Calzan, voient arriver une colonne allemande venue de Toulouse. Elles tirent pour donner l’alerte. Une sentinelle, Jean-Jacques Neuville, est blessée et prise par les Allemands. On ne la revoit plus. Une deuxième sentinelle, Paul Balasc se fait tuer en fuyant. Le troisième maquisard réussit à fuir. Entendant les coups de feu, les servants de la mitrailleuse située au sud, sur une hauteur, déclenchent le feu, mais la mitrailleuse s’enraye. Un des servants se sauve à temps. Les deux autres sont tués : Fernand Roubichou et Raoul Bonnafous. Une jeune fille, Emilienne Authié, et son grand-père, qui se trouvaient dans un champ voisin, perdent la vie. 

Il y a deux versions de la mort des trois sentinelles.  Selon la première, Raoul Bonnafous fut tué d’un coup de revolver dans la nuque. On retrouva son corps le lendemain à l’endroit où se trouvait la mitrailleuse que les Allemands amenèrent avec eux. Paul Balasc, blessé, fut fait prisonnier. Il fut achevé sur le bord de la route à l’entrée du village de Vira. Quant à Roubichou, son corps fut retrouvé une semaine plus tard au milieu de broussailles (Aimé Gos in Nadouce, op. cit., 2008, p. 29). 

 

Mais Bénito Pérez, qui participa au combat, affirma cependant dans son témoignage (in Nadouce, op. cit., p. 58), que deux ou trois Allemands « attaquèrent les trois tireurs à l’arme automatique à bout portant à la grenade ; ils furent tués sur place. Les servants de la pièce furent magnifiques et se battirent jusqu’à leur dernière minute ».

Les Allemands occupèrent Vira. La population fut obligée de sortir des maisons et fut regroupée devant le presbytère. Des portes furent enfoncées et des grenades incendiaires furent lancées sur celles qui refusaient de s’ouvrir. Alphonse Rescanières, instituteur à la retraite et ancien combattant de la Grande Guerre, notable villageois respecté, réussit à convaincre l’officier qui commandait la colonne allemande qu’il n’y avait aucun "terroriste" à Vira. Cet officier répondit favorablement à des habitantes du village qui lui demandaient qu’il accordât l’autorisation de secourir les blessés de la famille Authié. L’incendie du village et le massacre des habitants fut donc évité. Les Allemands décidèrent de poursuivre leur progression vers le moulin d’Embayourt.

 

Les maquisards tinrent tête aux Allemands depuis les hauteurs du bois de Thuriège (le sommet du même nom culmine à 540 m), les empêchant momentanément d’atteindre un de leurs principaux objectifs, le moulin d’Embayourt. Les FTPF furent aidés, dans cette phase du combat par des éléments de la 3e brigade de l’AGE commandés par Fernando Villajos, ancien combattant de l’Armée populaire de la République pendant la guerre civile espagnole.

 

Les Allemands eurent, semble-t-il, des pertes conséquentes et, dans la nuit, renoncèrent à passer vers Engraviès, sur le versant opposé.  Selon les différentes sources de 35 allemands tués à 63 tués ou blessés…

 

Les FTPF durent cependant décrocher, car succombant sous le poids du nombre, ils risquaient d’être encerclés. L’état-major installé au moulin put se replier à la ferme du Viviès.

 

Le 11 juin : 2ème attaque allemande

 

Le matin du 11 juin, une colonne allemande revient à Vira (25 camions, 7 autos-mitrailleuses …). Elle perquisitionne dans les maisons, menace les habitants puis repart vers sa vraie destination : le moulin d’Embayourt, siège de l’état-major du maquis. Ils dynamitent le moulin, déjà évacué par les résistants et la famille Gos, et incendient la ferme voisine. Des miliciens accompagnent les Allemands et participent aux actions. L’un deux sera fusillé à la Libération.


Le 13 juin : 3ème attaque allemande

 

Dans la nuit du 10 au 11 juin, des miliciens viennent camper près du Merviel. Parmi eux se trouve Camille Rouch, dont la mère habite le village. Il est agent de la Gestapo depuis peu.

 

Une colonne de 300 miliciens et Allemands, venant de Foix par le col de Saint-Cristaud, encerclent le village du Merviel et le hameau de Sainte-Croix. Ils sont commandés par l’assassin d’Irénée Cros. Ils vont au café Rouch où Cyprien Rouch, le cafetier, est roué de coups. La maison est pillée. Il est enfermé dans une pièce. On jette une bombe qui explose et incendie la maison ainsi que la maison voisine. Le malheureux meurt brûlé. Les allemands incendient ensuite une autre maison.

Un autre habitant, Théophile Charry, est recherché et pris dans la rue. Il est battu violemment devant les habitants. Il est amené dans une cabane où on l’enferme. Ils cherchent à la faire sauter, puis mitraillent. Au hameau de Sainte-Croix, trois maisons sont incendiées.

Des otages sont pris et amenés à Foix et remis en liberté par la suite, sauf un, Antoine Pons, d’origine andorrane, qui meurt en déportation.


Le 15 juin

 

Ils arrêtent à Rieucros la résistante Juliette Giret.

 

Le 29 juin


Des miliciens conduisent les soldats allemands à Arvigna. Le but de l’opération est essentiellement d’éliminer les guérilleros voisins. Mais, l’un des délateurs va « détourner » l’objectif  des allemands et les conduire directement à la ferme Marty où habitent les Naudy.

Il s’agit du milicien fait prisonnier lors de l’attaque de la gendarmerie de Pamiers et qui avait été reconnu par deux des frères Naudy. Echappé, il cherche à se venger. Le père, Jean, son fils Antoine et François Soler, le valet de ferme sont fusillés et brûlés dans l’incendie de la maison. Deux autres maisons voisines sont aussi détruites.

Le délateur, ainsi qu’un autre, sera fusillé le 2 août par le Maquis de Manses.

 

Ces petits villages favorables à la Résistance payèrent ainsi un lourd tribut à la répression allemande et milicienne.

 



De Vira à Roquefixade 

 

Après le combat du 9 juin 1944, la 3101e compagnie des FTPF prit le nom de « compagnie Raoul Bonnafous ». Elle se dispersa puis se regroupa plus au sud à Malléon.

 

L’état-major des FTPF de l’Ariège, à la demande de « Godefroy » et du Lorrain Camille Thouvenin, les dirigea vers les hauteurs du village de Roquefixade, au hameau de Coulzonne,  où ils établirent leur cantonnement le 30 juin 1944. Ils y furent attaqués les 6 et 7 juillet 1944, d’abord par les forces de Vichy (Milice et GMR - Gardes-Mobiles de réserve (unité paramilitaire de Vichy)) puis par les Allemands. Le maquis eut, au total, seize morts.




Le Couderc : Mais que c’est-il passé ?

 

Le Couderc, c’est une grande bâtisse, de type maison de maître, très isolée au fond des bois. A l’automne 1943, elle est inhabitée et devient le lieu propice pour accueillir un maquis. Les guérilleros du 1er bataillon de la 3ème Brigade, et les maquisards de la 30101e compagnie FTP, l’occupent tour à tour jusqu’à la Libération.

 

Le soir du 19 août 1944, jour de la Libération de Foix par, entres autres, les guérilleros partis de Calzan, 25 officiers allemands, dont une femme, sont rapidement amenés au Couderc, alors que les espagnols partent se battre à Rimont.

Le lendemain ou le surlendemain, les prisonniers sont abattus par les guérilleros.

 

Pourquoi ?

 

Pourquoi exfiltrer ces 25 allemands et les placer en lieu sûr ? Pour obtenir d’eux des informations précieuses ? Des indices pourraient être le fait que le commandant de Foix jetait les lettres de dénonciation, et que des tracts antihitlériens et antinazis du groupement de l’Allemagne libre ont été ensuite retrouvés à la libération de Foix …

 

Mais, on a mis là quelques jeunes guérilleros inexpérimentés qui, en regardant par les finestrous, se seraient aperçus que certains allemands, mal fouillés,  auraient gardé des armes. Ont-ils pris peur ? Toujours est-il que les deux jeunes auraient grenadé la bergerie. Il faut comprendre aussi que les Espagnols étaient toujours dans la guerre d’Espagne et que les Allemands, même peut-être antinazis, restaient pour eux des ennemis … On ne saura jamais.

 

Les cadavres vont être enterrés sur place. Plus tard, dans les années 1965-1970 (date approximative), le gouvernement allemand enverra une délégation officielle chargée de récupérer les corps.



Les monuments commémoratifs de la vallée  

 


 

La stèle de « Thuriège » est érigée sur la RD 12, entre Vira et Dun, face à la colline de Thuriège où se déroula une phase décisive du combat du 9 juin 1944.

Une plaque y a été scellée sur laquelle a été gravé ce texte : 

 

"De cette colline qui est derrière vous, dans l’après-midi du 9 juin 1944, un groupe de résistants composé de guérilleros espagnols du 1er bataillon de la 3ème brigade, d’un détachement des Francs Tireurs Partisans de le 3101e compagnie et de jeunes hommes de la vallée ayant répondu à l’appel d’insurrection du 6 juin 1944, bloquèrent une colonne de soldats allemands d’environ 300 hommes qui venaient de Vira pour se rendre au moulin de Rocles, lieu où se tenait l’état-major F.T.P. - Les combats eurent lieu jusqu’à tard dans la nuit. Souvenons-nous de l’exemple donné par ces jeunes hommes espagnols et français."

 


 

 

Le mémorial de la Vallée du Douctouyre, érigé également sur la commune de Vira, au croisement de Calzan.

« 1939-1944 / Aux morts de la Résistance et victimes du nazisme de la Vallée du Douctouyre / Passant souviens-toi ! »

 

 Il y a dix-sept noms dont treize de fusillés (résistants ou civils) ou résistants tombés en action de combat contre les Allemands. Figurent également les noms de quatre de résistants de villages de la vallée du Douctouyre morts en déportation en Allemagne : Jules Amouroux, Éloi Delbosc, Juliette Giret, Antoine Pons.

 

 

 

 

À Calzan, au col, une stèle a été érigée en 2001 en mémoire des guérilleros.

« Mémorial de Calzan / 1941-1944 / Ici commençait, sous l’occupation allemande, le territoire du Maquis espagnol. Les guérilleros furent les libérateurs de la ville de Foix. »

 

La création d'unités de guérilleros espagnols a été décide en 1941 et les premiers groupes furent créés dans l'Aude et l'Ariège. La 3e brigade de guérilleros espagnols prit une part essentielle à la libération de Foix libérée le 19 août 1944 Le terrain a été offert par la famille Authié dont deux membres furent des victimes des Allemands le 9 juin 1944.

 

 

 

Le sentier Terre de Fraternité


Il est également à noter que Paul, fils aîné d’Aimé Gos fut à l’origine, en 2007, de la création d’un sentier des maquis ariégeois, « Terre de Fraternité » long de 50 km, qui permet, entre autres, de parcourir les lieux où se déroulèrent les combats de Vira.

 


 












Crédit photos

Calzan : Site patrimoines.laregion.fr 

Mémorial de la Vallée du Douctouyre : Facebook Mairie d’Arvigna

Rieucros : Site patrimoines.laregion.frThuriège : Site Maitron.fr ; André Balent

 

Sources

Claude Delpla – La Libération de l’Ariège – Ed. Le Pas d’Oiseau (2019)

Olivier Nadouce – Divers livres

https://maitron.fr/spip.php?article225927

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Blog en construction ... et Nouveautés !

 * Le 13 mai 2021 : Nouvelle peinture d'André Bertoux à  découvrir !